De la densité

Puisqu’elle n’est pas reliée aux réseaux publics, la MAD permet d’appréhender les questions foncières sous un nouvel angle. J’aborderai donc l’angle écologique de l’autonomie par la question de l’étalement urbain.

Plus les terrains sont éloignés des villes et moins ils sont chers, il serait donc tentant, pour baisser le coût du foncier (autant d’argent économisé pour la maison elle-même), de s’installer dans des lieux plus reculés.  En France (et contrairement à beaucoup de pays), un terrain non consécutif d’une zone urbanisée – ne serait-ce qu’un hameau – est immédiatement classé en zone inconstructible (“agricole”, “naturelle”, etc.).  Il s’agirait selon nos spécialistes de la planification d’éviter le “mitage urbain” et de sauver les sols vierges d’éventuelles constructions jusqu’à…..

… ce qu’un promoteur rachète pour une bouchée de pain quelques hectares à un paysan, convainque un élu de pouvoir y implanter ses boites en parpaing et polystyrène énergivores, de style néo-régional, au milieu de carrés de pelouse clos de grillage à poule, le tout accompagné de kilomètres de réseaux et de voiries avec trottoirs symétriques et sempiternelles bordures T1! Avant de revendre le tout à prix exorbitant, une fois l’empreinte carbone explosée…

Pardon, mais qu’on arrête de se foutre de la gueule du monde!

S’implanter en site isolé donc… Et pourquoi pas? Si la viabilisation n’est pas nécessaire et qu’il n’en coûte rien à la commune. Pour sauvegarder le paysage?!

Ne vaudrait-il pas mieux quelques groupes de maisons autonomes sur l’axe de cette ligne électrique? Et oui, car pour que les villes denses fonctionnent, il est impératif de saccager des km² de paysage dont personne ne pourra plus jamais jouir.

Ceux qui prétendent “sauver la planète” au nom de la densité urbaine ne sont souvent que des Tartuffes. Que les urbanistes et architectes aillent vivre au pied d’une centrale nucléaire comme d’autre le font quotidiennement. Savent-ils ce que c’est que d’ouvrir tous les matins ses volets pour admirer la vue sur la centrale électrique d’en face? Qu’ils quittent leurs immeubles haussmanniens, “lofts” de centre ville ou villas de littoral, pour aller tester la densité là où elle se trouve:

Qu’on m’explique alors quelles solutions mettre en œuvre: celle-ci?

Ou celles-là?

Ou encore la solution de l’ “Habitat Intermédiaire“??, concept révolutionnaire post XXème siècle (entre le collectif et l’individuel) qui pullulent dans les ZAC et autres “écoquartiers” des périphéries urbaines et dont mes confrères architectes “contemporistes” usent afin de ravager ce qu’il reste encore de nos entrées de villes. (Et je ne posterai pas d’images de ces immeubles intermédiaires, afin de ne pas blâmer un de ces “confrères” en particulier.)

Soyons clair, la ville dense ne s’incarne dans aucun des exemples précédents. La ville dense et vivable, c’est Paris, Lyon ou Bordeaux. Pour le reste, je préfère des hameaux dispersés sur le territoire ou des maisons isolées. Désolé. Les villes denses ont démarré comme cela, pas selon des plans d’urbanisme.


Qu’on empêche les grands groupes immobiliers de lotir la campagne est tout à fait louable, je signe. Mais malgré des décennies de soi-disant lutte (des architectes, services d’urbanismes, etc.) la situation empire et la mise au carré pavillonnaire des campagnes gagne du terrain comme jamais. De qui se moque-t-on?

La MAD vise à repenser l’habitat individuel et, pourquoi pas, concurrencer la maison Bouyyygues? C’est une nécessité. Car, que nos décideurs le veuillent ou non, une majorité des Français ont pour aspiration la maison individuelle. Celle dont on peut faire le tour ; celle dont les 2 côtés du mur nous appartiennent.

Beaucoup des plus beaux lieux habités du monde sont en site isolés. Ces petits chefs-d’œuvre ont émergé avant la création des règles d’urbanismes. Aurions nous bénéficier de ces lieux si lors de leur édification la question de l’étalement urbain avaient été posée comme aujourd’hui?

Les exemples ci-dessus illustrent comment l’implantation d’un bâti modeste peut participer à la beauté d’un lieu et à prolonger le paysage. Qui se rappellerait de l’image en tête de cette page (l’île d’Ellidaey) si la maison n’existait pas? Il s’agirait d’une île parmi d’autres.  Il en est de même pour la montagne, la plaine ou les rochers.

L’autonomie est souvent comparée à l’isolement, au renfermement. Certes les architectures ci-dessus évoquent la solitude, mais quels rapport humains naissent de la rencontre habitant/visiteur dans de tels lieux? Une relation beaucoup plus riche qu’une rencontre en ville, non? Ou que pas de rencontre du tout comme dans les zones pavillonnaires.

La conquête de lieux reclus n’imposent pas l’isolement. Les MAD visent également à s’établir en communautés ou en hameaux. Aussi importante qu’elle soit, toute ville (hors villes nouvelles souvent ratées) est née de l’exploitation d’un lieu, des avantages de sa géographie et de sa beauté (vue dominante, rivières, etc.).

Gordes

La ville de Gordes dans le Luberon aurait-elle existé si l’urbanisme d’alors avait imposé le rattachement au zones déjà aménagées?

Si les règlements limitent (?) l’intervention des bétonneurs de prairies, il devrait être autorisé pour un particulier de bâtir SA maison sur le terrain qu’il possède, constructible ou pas. C’est un droit inaliénable en fait, comme celui de pouvoir faire pousser des légumes dans son jardin. Une maison, un hameau de maisons, s’il n’engendre pas de dépenses publiques et de pollution (réseaux/voirie) devrait être permis quel qu’en soit le lieu.

LA VOITURE

pollution periph

En filigrane de la question de l’étalement urbain et de l’implantation loin des villes se pose celle de la voiture.

On reproche souvent,  à juste titre, aux zones pavillonnaires de n’être que des “cités dortoirs” où la voiture règne. C’est vrai. Il faut recréer de l’activité dans les villages et hameaux isolés pour que les résidents puissent y travailler, consommer et avoir une vie sociale sans avoir des km à parcourir quotidien. Mais redynamiser les villages est un bien vaste chantier après un bon demi-siècle d’exode rural… Est-ce une fatalité? Devons-nous déserter les campagnes sous prétexte qu’elles sont “loin de tout”?

Sans aborder les processus de recréation (et réappropriation) des moyens de productions, qui dépassent les compétences de l’architecte, j’évoquerai néanmoins le sujet de la voiture. La voiture comme moyen de liaison avec les “lieux d’échange” (travail, écoles, amis, bistrot, magasins, etc.) où même les services publics.

La voiture comme dépendance et ultime “réseau” auquel la MAD ne peut pallier quand elle est en site isolée. Certes la voiture est polluante, souvent laide, et bruyante, mais – en plus de transports en commun et covoiturages – des alternatives existent à la pollution/consommation des voitures (moteur Pantone, à l’huile de friture, etc.) et la fin des moteurs à essence serait probablement arrivée si le lobby pétrolier avait laissé un peu de place aux ingénieurs de talent.

Tout cela pour dire que la voiture n’est pas le problème en soi. C’est son fonctionnement – associé aux ressources limitées et aux effets nocifs des gaz d’échappement – qui pose problème.

Le secteur de l’habitat est réputé pour être très polluant. Allons-nous arrêter d’utiliser des logements?? Non, nous les améliorons (ce que font aussi dans une certaine mesure les constructeurs de voitures). Le problème de la voiture est identique. Encore une fois le problème est mal posé. Que les lois autorisent les potentiels créateurs de V.A.D. (Véhicules Autonomes Durables!) à trouver la solution en marge de l’industrie, et en attendant essayons de faire au mieux sans pour autant culpabiliser l’automobiliste.

Et pour conclure, à tous ceux qui pointent du doigts la voiture, ou pire le vilain 4×4 (qui n’a rien à faire en centre-ville soyons d’accord), ceux qui blâment les conducteurs, et dont le seul dilemme est de choisir entre tram’ et Vélib’ pour aller au travail… à ceux là, sachez que malgré toute la bonne volonté mise en œuvre pour sauver la couche d’ozone ou les bébés phoques, le bilan carbone du voyage en avion pour vos vacances annuelles explose en une seule fois celui d’une année entière de Monsieur Campagne qui conduit chaque jour pour aller travailler.

A bon entendeur!

Mr Walker/Mr Weelher – GL

Addenda (2021):

(Un de mes lecteurs me parlait de “scandale” de l’étalement urbain.)

J’ai été nourri (étude d’architecture, Ordre, publications, etc;) à la question de la densité urbaine, et je pense avec le recul (et un gros travail de remise en question) qu’elle participe finalement d’une escroquerie sur le prix du foncier (rareté artificielle des terrains (zones inconstructibles)). Et d’une volonté de concentrer la population en ville (contrôle politique).

Les citadins se réclamant de la densité (parce qu’ils vont en Velib au travail), n’ont toujours pas intégré que leur empreinte s’étend bien au delà de leur ville: que des centrales électrique, d’eau et d’assainissement, à des km des villes, les maintiennent en vie “par perfusion”. La superficie (foncier) et l’énergie grise nécessaires à ces centrales et leurs réseaux n’est jamais prise en compte. Si vous ajoutez à cela que toute la production de nourriture est distante et donc acheminée de loin, alors la fameuse densité s’effondre.

Après je ne prétend pas “combattre la ville” hein! Mais qu’on me laisse construire, ce que je pense être résilient, à savoir des “micro-fermes” autonomes (avec idéalement moyens de production (le travail) sur site), dispatchées sur le territoire ; ce qu’ont toujours fait les humains, partout sur terre, et avant la constitution de villes.

Promenez-vous dans les récents quartiers périphériques des villes (françaises), dans ces ZAC ou pseudo écoquartiers, avec de “l’habitat intermédiaire” ou collectif, d’écriture contemporaine, et vous me direz où est le scandale!

Après je vous avoue volontiers mon aversion totale pour ces lotissements de promoteurs avec maisons pseudo régionales posées au milieu de leur carré de pelouse, avec grillage et coffret edf en bordure. C’est pire que tout, nous sommes d’accord. Mais je ne crois finalement pas que leur sècheresse esthétique (qui n’a d’égal que le prix de vente exorbitant des “lots à bâtir”) ait un quelconque rapport avec le principe d’habitat individuel ou de densité. Mais bien d’un rapport économique (produit vendu par promoteur ou constructeur et capacité d’achat du client).

Voilà, ce n’est que mon avis!